ARCHITECTURE SACRÉE

Après 1905 et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la construction de nouveaux lieux de culte s’affirme comme un moment de débat important, le clergé, les congrégations et les fidèles devenant maîtres d’ouvrage privés. Si les directives proviennent toujours de Rome et orientent la philosophie générale des projets, en France, une volonté de renouveau s’affirme. Cette renaissance est fortement liée aux recherches artistiques et plastiques des années 1930 et l’architecture apparaît comme vecteur des courants régionalistes, contemporains ou modernes.

Contexte

LE CONTEXTE RELIGIEUX
D’AVANT-GUERRE

Jusqu’en 1920, on construit peu de lieux de culte en France et les bâtiments réalisés se réfèrent dans la majorité des cas, au gothique, à l’art byzantin ou roman… Consciente de l’évolution de la société, l’Eglise cherche une expression nouvelle afin de l’accompagner. A partir de1925, quelques projets font rapidement parler d’eux, comme l’église Notre- Dame du Raincy, conçue par Auguste Perret en 1922, à l’éclairage filtré par la dentelle de béton et l’architecture dépouillée d’ornements, qui font d’elle la première église moderne française. Dom Bellot, moine architecte et Henri Vidal travaillent également avec les matériaux nouveaux : béton, moellons, brique, tout en réinterprétant l’organisation classique du plan. Ainsi, de l’église Saint-Joseph des Fins (1937-1941) à Annecy, à l’abbaye de Saint-Benoît du Lac au Québec où il s’expatrie, Dom Bellot développe ses recherches sur les symboliques architecturales modernes, attachées au rationalisme.

AUTHENTICITÉ

Après guerre, l’architecture religieuse tend à s’internationaliser, s’éloignant de l’empreinte régionaliste. Certains projets précurseurs proposent de nouvelles idées. Des changements formels dans les bâtiments religieux vont apparaître clairement à partir de 1945, parallèlement aux recherches de la revue L’Art Sacré et à la volonté de renouveau liturgique. La sobriété et l’authenticité deviennent les principes incontournables de conception, encouragés par le Vatican, confortés aussi par le peu d’argent disponible au commencement des constructions nouvelles. Le plan rectangulaire est fréquent, offrant une clarté structurelle et dépouillée. La nef unique permet d’accueillir un grand nombre de fidèles. A partir de 1962, ce principe se voit renforcé par le Concile Vatican II, qui réforme la célébration liturgique, en modifiant la position du prêtre, qui se retourne alors vers l’assemblée, et en remplaçant la langue latine de la messe par les langues vernaculaires. L’espace est donc remis en cause. Les édifices doivent être accessibles, les marches monumentales sont supprimées au profit de parvis de plain-pied et de larges porches d’accueil. Les décors se simplifient et annulent les représentations figuratives telles que les statues et les ornementations sulpiciennes.

ART SACRÉ

Dans l’histoire de l’art, l’église a toujours été un lieu d’expression artistique, de part son statut privilégié de monument sacré. Après la seconde guerre mondiale, le dynamisme des grands chantiers et l’élan vers la modernité amènent l’église à multiplier ses projets. L’art sacré regroupe les arts plastiques qui aménagent ou décorent l’espace religieux : les fresques, les mosaïques, les vitraux, les peintures, le mobilier, le tabernacle, l’autel… Pour un artiste, le champ d’intervention dans le domaine religieux est propice à des commandes importantes, à une liberté de création et d’interprétation, même si elle est parfois condamnée fortement par l’Eglise comme le Christ de Germaine Richier (église du plateau d’Assy) qui sera retiré pendant des années du lieu de culte. Révérend Père Marie-Alain Couturier (1897-1954) Marie-Alain Couturier est un personnage incontournable du renouveau religieux du XXe siècle. Peintre de formation, il fréquente à partir de 1919 les ateliers d’Art Sacré parisiens animés par Georges Devallières et Maurice Denis. Il devient prêtre dominicain et se concentre sur les réflexions à propos du rôle de l’art dans l’église. Selon lui, l’église doit se lier constamment aux acteurs du temps, à l’art vivant, au progrès contemporain et doit accompagner la modernité. C’est lui que contacte le chanoine Devémy en 1942 au sujet de la décoration de l’église d’Assy. Marie-Alain Couturier propose alors à des artistes contemporains d’intervenir.

Eglise Saint-Michel La Madeleine, Eveux, Eure, 1956.

Eglise Saint-Michel La Madeleine, Eveux, Eure, 1956.

Eglise Notre-Dame du Léman, Vongy, Haute-Savoie.

Eglise Notre-Dame du Léman, Vongy, Haute-Savoie.

Eglise Notre-Dame de Toute Grâce, vue intérieure, plateau d’Assy, Haute-Savoie, 1939-46.

Eglise Notre-Dame de Toute Grâce, vue intérieure, plateau d’Assy, Haute-Savoie, 1939-46.

Eglise Notre-Dame de Toute Grâce, plateau d’Assy, Haute-Savoie, 1939-46.

Eglise Notre-Dame de Toute Grâce, plateau d’Assy, Haute-Savoie, 1939-46.

Eglise Notre-Dame du Plaimpalais, Alby-sur-Chéran, Haute-Savoie, 1952-60.

Eglise Notre-Dame du Plaimpalais, Alby-sur-Chéran, Haute-Savoie, 1952-60.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59

Eglise Notre-Dame de la Rencontre, Amphion-Publier, Haute-Savoie, 1954-59. Vue en coupe de l’église.

« D’où vient à cette église de montagne cette universelle et subite gloire ? D’être un chef d’oeuvre ? Non, mais d’être née d’une idée juste. Et c’est cela qui a frappé les gens, en tout pays ; c’est cette idée très simple que pour garder en vie l’art chrétien, il faut à chaque génération faire appel aux maîtres de l’art vivant. »

M.A Couturier, La leçon d’Assy, L’Art Sacré n°1-2, 1950.

Le Père Couturier à Audincourt, 1952.

Le Père Couturier à Audincourt, 1952.

Revue L’Art Sacré, n°1-2 Assy, 1950.

Revue L’Art Sacré, n°1-2 Assy, 1950.

La Revue L’Art Sacré

L’Art Sacré constitue un véritable plaidoyer en faveur des églises modernes. La fondation de la revue remonte à 1935, lorsqu’un historien d’art, Joseph Pichard, propose de faire découvrir au grand public les nouveautés en matière d’art sacré. Les références à l’académisme sont constantes mais la volonté de retisser les liens entre les fidèles, les artistes et le public implique une prise en compte de l’actualité. C’est le premier principe que propose la revue L’Art Sacré : l’art de chaque époque, y compris la nôtre, peut servir l’Eglise. Le deuxième principe est de choisir des artistes contemporains, croyants, et soucieux des formes d’art (vitrail, peinture, orfèvrerie, ferronnerie, métallurgie) rompant avec la statuomanie. A partir de 1937, Marie-Alain Couturier prend la direction de la revue. La critique de l’avant-garde ouvre alors le débat en art comme en architecture et condamne les réalisations « pastiches » d’avant guerre. Ainsi, l’église Notre-Dame de Toute Grâce au plateau d’Assy (Haute-Savoie) est présentée et la revue prend part au débat suscité par le Christ de Germaine Richier, en défendant le projet et les oeuvres au même titre que la chapelle de Le Corbusier à Ronchamp, l’église d’Audincourt de Novarina et la chapelle édifiée par Matisse à Vence. En mai 1938, dans le 29e numéro, le père Couturier écrit à propos de l’architecte : « Nous pouvons donc être assurés que Novarina sera un de nos meilleurs bâtisseurs d’églises. », ce qui ne l’empêchera pas de critiquer certaines de ses réalisations et de ses partis pris dans certains cas. Le Père Régamey seconde Marie-Alain Couturier à la tête de L’Art Sacré. Les deux personnages contribuent à la médiation de la modernisation del’art religieux dans le contexte de recherches aspirant à la synthèse des arts.

Autour de Maurice Novarina

MAURICE NOVARINA
ET LE RÉGIONALISME

Les églises dessinées par Maurice Novarina sont pour la plupart qualifiées de régionalistes : elles adoptent des références traditionnelles et utilisent des matériaux locaux. La période de l’entre-deux guerres est marquée par ce mouvement dans tout le pays : du chalet « suisse » qui s’affirme suite à l’exposition universelle de Paris de 1900, aux villas basques ou bretonnes, l’attrait du patrimoine local demeure important jusqu’au deuxième conflit mondial. Il s’agit au travers de ces formes architecturales, d’exalter les valeurs traditionnelles de la société locale. L’église de Vongy, à Thonon-les-Bains, constitue sa première commande. En 1933, son père, entrepreneur à Thonon-les-Bains, lui confie ce chantier alors qu’il sort à peine de l’école. L’influence de Louis Moynat, architecte thononais chez qui le jeune Novarina travaille pendant ses études, marque ce premier projet. Notre-Dame du Léman est conçue selon un plan traditionnel basilical, la voûte constituée d’un plancher bois est supportée par des arcs en béton. La forte pente de toiture diffère du cadre bâti environnant, rappelant, selon lui, l’inclinaison des voiles des bateaux. La modernité réside déjà dans cette première oeuvre, par l’emploi du béton, le traitement soigné des matériaux, le tout formant une silhouette singulière. Les éléments mobiliers sont très soignés et le recours à de nombreux artistes enrichit le décor. L’attraction régionaliste est de fait plus importante en milieu rural. C’est le cas notamment pour les églises d’Alby-sur-Chéran, du plateau d’Assy ou encore du Col de l’Iseran, où le site résonne avec l’édifice cultuel par la matière et la forme. Ces églises présentent pourtant le caractère moderne de la tradition. Maurice Novarina garde la toiture deux pans, protectrice, comme au plateau d’Assy. Le traitement de la pierre, matériau traditionnellement enduit dans les constructions savoyardes, est mis en oeuvre ici avec radicalité : la pierre est brute, sciée ou taillée.

L’ÉGLISE DANS
LA VILLE NOUVELLE

Dans les projets d’église en milieu semi-urbain, Maurice Novarina intègre des espaces polyvalents telle une salle paroissiale, située au sous-sol ou en rezde- jardin. Ainsi, l’usage hebdomadaire du lieu de culte est complété par une activité en lien avec la vie sociale de la commune. L’église d’Etrembières propose des salles de catéchisme et la sacristie en accès direct sur le jardin ; l’église d’Alby-sur-Chéran, est dotée elle d’une grande salle polyvalente au niveau inférieur. Maurice Novarina réalise aussi des lieux de culte insérés dans le tissu urbain de nouveaux quartiers. Dans les années 1960, l’architecte a donc pour enjeu d’insérer le sanctuaire au coeur des cités nouvelles et dans les quartiers modernes en périphérie des centres. L’Eglise a la volonté de conquérir une banlieue oubliée et de devenir plus accessible. L’implantation de l’église du Château à la Duchère à Lyon est dictée par le plan masse général de François-Régis Cottin, architecte en chef du projet de la Duchère, qui propose le plan carré du bâtiment. Maurice Novarina, architecte d’opération, se charge de donner volumes et formes à ces données tout en créant les liens nécessaires (chemins, passerelles..) avec le quartier, ses habitations, ses équipements.

« Si l’Architecture sacrée, dans mon esprit, est une chose fonctionnelle qui doit être traduite avec dépouillement, avec humilité, par des volumes simples, créés pour atteindre la beauté, il serait bon également de préciser qu’en dehors de sa fonction propre, elle a aussi une autre raison d’être, dans l’espace, et que partout elle doit s’intégrer à celui-ci, et au site, en marquant son caractère spécifique. »

Maurice Novarina, conférence sur l’Art sacré à Douvaine, le 26 février 1955.