MATIÈRES ET CONSTRUCTION
À la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, l’ampleur des besoins liés à la Reconstruction révolutionne l’architecture. L’emploi de matériaux standardisés devient constant. L’industrie innove, les architectes adaptent leur production. Ainsi le béton et l’aluminium dominent la production de Maurice Novarina, néanmoins le bois et la pierre conservent une place privilégiée dans son architecture.
Contexte
UN NOUVEAU
LANGAGE
ARCHITECTURAL
Les formes bâties changent. Les façades s’ouvrent. Les enveloppes transparentes apparaissent grâce à l’industrialisation des matériaux comme le verre et l’aluminium. Les possibilités constructives augmentent notamment avec le béton armé. Les porte-à-faux permettent de libérer les espaces intérieurs (le système Dom-ino en 1914, de Le Corbusier ; la Maison sur la cascade en 1935-39 de l’américain Frank Lloyd Wright). La lumière vient mettre en évidence l’architecture. Matériau léger et malléable, l’aluminium est très employé dans l’industrie mais peu dans l’architecture. Jean Prouvé, constructeur, l’intègre rapidement dans ses projets. De la tôle à la structure porteuse, ce métal présente des caractéristiques exceptionnelles (Mur-rideau mis au point par le constructeur en 1957 ; le gratte-ciel Seagram Building de Mies van der Rohe et Philip Johnson à New York en 1954-58).
« L’architecture est le jeu savant de volumes assemblés sous la lumière »
Le Corbusier
VERS UNE
STANDARDISATION
DE LA
CONSTRUCTION
Les formes bâties changent. Les façades s’ouvrent. Les enveloppes transparentes apparaissent grâce à l’industrialisation des matériaux comme le verre et l’aluminium. Les possibilités constructives augmentent notamment avec le béton armé. Les porte-à-faux permettent de libérer les espaces intérieurs (le système Dom-ino en 1914, de Le Corbusier ; la Maison sur la cascade en 1935-39 de l’américain Frank Lloyd Wright). La lumière vient mettre en évidence l’architecture. Matériau léger et malléable, l’aluminium est très employé dans l’industrie mais peu dans l’architecture. Jean Prouvé, constructeur, l’intègre rapidement dans ses projets. De la tôle à la structure porteuse, ce métal présente des caractéristiques exceptionnelles (Mur-rideau mis au point par le constructeur en 1957 ; le gratte-ciel Seagram Building de Mies van der Rohe et Philip Johnson à New York en 1954-58).
En 1946, à la question posée par Gilles Delafon Pour ou contre la préfabrication ?, Auguste Perret répondait : « La préfabrication s’impose. Actuellement, l’Angleterre nous montre l’exemple. […] Si Citroën n’avait fabriqué qu’une seule voiture au lieu de faire toutes ses séries, il lui aurait fallu vendre cette voiture des millions. Or, du grand car à l’habitation, il n’y a q’un pas, il suffit de lui retirer les roues.»
Béton : les effets de la préfabrication, cité dans la revue AMC n°161, p. 118
Les professionnels de la construction s’affairent à mettre en oeuvre l’industrialisation du bâtiment. Les recherches passent par le développement de la mécanisation, par la rationalisation des chantiers ainsi que par l’élaboration de procédés de préfabrication. De nombreuses villes détruites se transforment en véritables chantiers expérimentaux.
LES PROCÉDÉS DE
PRÉFABRICATION
Les procédés de préfabrication lourde sont employés notamment pour la réalisation des éléments structurants des façades et des planchers. Des murspanneaux en béton armé sont préfabriqués en atelier et permettent une mise en oeuvre rapide sur le chantier. Les procédés de préfabrication légère se généralisent et se développent dès la fin des années 1960. Une commission chargée de formuler des avis techniques sur les procédés, matériaux et équipements, est créée en 1969. Le contexte économique est propice à l’industrialisation favorisant la prise en compte de l’évolution des demandes et la mise en place de nouveaux procédés. De nouvelles formes architecturales émergent et s’imposent par la mise au point de du béton armé et l’accessibilité aux matériaux industriels. Si durant des siècles les édifices sont édifiés en maçonnerie de pierre, acheminée ou extraite sur place, les principes doctrinaux du Mouvement moderne tendent à produire un style international. Les références architecturales ne sont alors plus celle du lieu. Se pose alors la question de la banalisation véhiculée par les bâtiments produits, plus ou moins à l’identique, niant les caractéristiques locales.
LE BÉTON ARMÉ,
MATÉRIAU DE TOUS
LES POSSIBLES
« Le matériau le plus révolutionnaire de toute l’histoire de la construction. »
Pier-Luigi Nervi, ingénieur italien (1891-1979)
L’apparition du béton révolutionne la construction. Mis au point entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, le béton est innovant puisqu’il est autant, voire davantage, une technique qu’un matériau. Ses caractéristiques mécaniques lui confèrent des possibilités constructives allant jusqu’à l’abolition du sentiment de pesanteur. Rien, ou presque, ne limite l’ambition des architectes modernes. Le passage du dessin au chantier est dorénavant permis par la mise au point des techniques du béton : des porte-àfaux extraordinaires sont réalisés, les franchissements sont démesurés, de nouvelles formes émergent. Aujourd’hui victime d’une image négative véhiculée par sa profusion sur tout le territoire, notamment dans les grands ensembles, le béton est associé automatiquement, et sans doute hâtivement, à une architecture de masse. Mais la technique a évolué, les modes de mise en oeuvre s’adaptent aux demandes des architectes proposant de nouvelles applications (bétons teintés dans la masse, bétons texturés et sérigraphiés…).
« Tous les Boullée, Ledoux et autres butaient sur le matériau. Leur imagination allait bien au-delà du matériau. S’ils avaient eu le béton, ils auraient pu tout faire »
Paul Andreu, dans Le béton à Paris, B. Marrey et F. Hammoutène, Pavillon de l’Arsenal / Picard Éditeur, 1999
Autour de Maurice Novarina
LA PIERRE
Les premières réalisations de Maurice Novarina sont fortement imprégnées de tendances régionalistes. En effet, la pierre est employée comme matériau structurant, extraite à proximité et taillée par les artisans. Les églises réalisées avant et juste après la Seconde Guerre Mondiale sont empreintes de cette tendance, bien que Maurice Novarina emploie déjà le béton armé pour certains éléments de la structure, comme à l’église Notre-Dame du Léman à Vongy. Dans le même temps, Maurice Novarina réalise des refuges dans le massif du Mont-Blanc ainsi que dans le Chablais. Les constructions sont en maçonnerie de pierre. Le sentiment de protection créé par ce matériau est conforté par la volumétrie massive. Plus tard, la pierre reste présente dans ses réalisations en parement en façade.
Eglise Notre-Dame des Alpes, Saint Gervais Le Fayet, Haute-Savoie, 1936-39 Construction de l’église en maçonnerie de pierre en 1936.
Eglise Notre-Dame de Plaimpalais, Alby-sur-Chéran, Haute-Savoie, 1954-60.
Villas des professeurs de l’école, Vongy, Thonon-les-Bains, Haute-Savoie, 1959.
Villa, Saint Paul en Chablais, Haute-Savoie,1960 Les murs pignons sont édifiés en maçonnerie de pierre..
Eglise Saint-André, Ezy-sur-Eure, Eure, 1956. Façade.
Eglise Saint-André, Ezy-sur-Eure, Eure, 1956. Coupe.
LE BÉTON
ARMÉ
Maurice Novarina saura saisir les opportunités offertes par ce nouveau matériau qu’est le béton armé. La plage de Thonon-les-Bains (1952) l’illustre parfaitement : le projet consiste à construire sur le lac. Afin de maintenir espaces naturels pour la plage, les bassins et la promenade ne seront pas construits sur le terrain municipal, mais bien sur l’eau. Des pieux de béton spécialement conçus pour les milieux aquatiques sont disposés dans les sols lacustres ceinturant les nouveaux bassins. La ceinture n’est pas hermétique, elle laisse pénétrer l’eau dans les bassins afin de les remplir.
Les panneaux-décor en béton moulé
La préfabrication a ceci de nouveau : la possibilité de multiplier les détails décoratifs dans la construction en béton. La disposition d’un élément préfabriqué par rapport à un autre induit un langage graphique. Selon qu’ils se juxtaposent, se superposent, se joignent ou pas, leur articulation crée un dessin graphique. Les possibilités de finition différentes du béton armé interpellent très tôt Maurice Novarina qui cherche en ce matériau une expression esthétique. Certains panneaux préfabriqués poussent cette recherche du détail esthétique à produire des éléments non porteurs pour animer les façades. Les bétons moulés permettent une grande liberté de création et apportent de nombreuses possibilités.
Plage, Thonon-les-Bains, Haute-Savoie, 1952. La plage sur pilotis gagne du terrain sur le lac.
Centre Culturel Bonlieu, Annecy, Haute-Savoie, 1978-1981. Les façades du théâtre sont animées par des panneaux en béton moulé conçus par le sculpteur Denis Morog.
Projet de logements, Marseille, Bouches-du-Rhône, 1970. Dessin des façades, jeux de pleins et de vides.
Cité de Vouilloux, Sallanches, Haute-Savoie, 1970.
Détails du béton, Hôtel de ville, Grenoble, Isère, 1968.
Détails du béton, Hôtel de ville, Grenoble, Isère, 1968.
« Pouvoir jouer avec la couleur, avec la texture, apporter aux surfaces un relief qui variera selon la lumière du jour et des rayons du soleil, créer des formes nouvelles tout en étant assuré d’une remarquable résistance : quel programme, pourtant, pour l’artiste et pour l’ingénieur. »
Denis Morog, Article pp.89-90, Vouloir le beau béton dans la revue Monuments Historiques n °140, 1985
Les différents traitements du béton
Maurice Novarina cherche la perfection dans la mise en oeuvre du béton. Son aspect définitif peut tendre vers un lissage presque parfait ou au contraire peut dévoiler une modénature décorative. Le coffrage de planches brutes permet d’obtenir des surfaces de béton à la fine texture de fibres et renvoie à un imaginaire chaleureux.
« Le coffrage imprime en négatif, alors que la coulée dépose « positivement » ses marques en séchant. Le coffrage est contrôlable dans son aspect graphique : dimension et orientation des planches, dessin des veines, pénétration des jointures, présence de clous, etc. »
Cyrille Simonnet, dans Le Béton, Histoire d’un matériau, p. 183
LE BOIS
Matériau de construction traditionnel, notamment dans la région d’où est originaire Maurice Novarina, le bois est employé autant pour la structure même de l’édifice que pour son enveloppe et son ornement. Ses caractéristiques constructives et esthétiques lui permettent de s’intégrer à différents styles architecturaux selon une mise en oeuvre adaptée et voulue par l’architecte. Loin du pastiche d’une architecture traditionnelle, le bois est de manière contemporaine. Dans un jeu de répartition avec le béton en façade, il signe sa production.
Eglise Notre-Dame des Alpes, Saint-Gervais Le Fayet, Haute-Savoie, 1936-39.
Eglise de Notre-Dame de Toute Grâce, Plateau d’Assy, Haute-Savoie, 1937-46.
Eglise Sainte-Bernadette, Annecy, Haute-Savoie, 1964-69. Les poutres en bois lamellé-collé permettent des portées de 10 à 12 mètres. L’espace est ainsi libéré de tout élément structurel.
Eglise Notre-Dame du Léman à Vongy, Thonon-les-Bains, Haute-Savoie, 1933-35. Rappelant la coque d’un bateau, la charpente de l’église est constituée d’arceaux en béton armé soutenant la structure entièrement en bois.
« Mais attention au pittoresque, l’architecture savoyarde traditionnelle […] n’a jamais eu de faux accents, de fausses couleurs. Il s’agit de ne pas copier, mais d’interpréter les véritables raisons d’être d’une architecture historique»
Maurice Novarina, Article pour la revue Savoie, février 1957
Station de ski Le Reberty, Les Menuires, Savoie, 1977.
Village Olympique, Grenoble, Isère, 1968.
Village Olympique, Grenoble, Isère, 1968.
Hôtel de Ville, Grenoble, Isère, 1968. Des éléments de bois revêtent le plafond de la salle de réception. Au fond : une tapisserie de Raoul Ubac.
LE MÉTAL
ET LE VERRE
« Nous avons constaté que le châssis aluminium est aussi courant que le châssis bois en France, et que son prix de revient est sensiblement égal à celui du bois »
Maurice Novarina, Notes du voyage aux USA avec la Société d’Aluminium en 1956
La nouvelle Buvette, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1956.
La nouvelle Buvette, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1956.
Hôtel de Ville, Grenoble, Isère, 1968. Les façades de la tour de douze étages sont en mur-rideau. L’enveloppe, mise au point par Jean Prouvé, est composée d’une structure en aluminium et de vitrage isolant. Les allèges sont en glace émaillée. Les raidisseurs verticaux sont étudiés pour servir de brise-soleil.
Hôtel de Ville, Grenoble, Isère, 1968. Les façades de la tour de douze étages sont en mur-rideau. L’enveloppe, mise au point par Jean Prouvé, est composée d’une structure en aluminium et de vitrage isolant. Les allèges sont en glace émaillée. Les raidisseurs verticaux sont étudiés pour servir de brise-soleil.
Centre nautique, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1968. La charpente métallique se compose de poutres croisées en champignon à maille sur poteau.
La lumière
Les constructions religieuses ont davantage fait l’objet d’une réflexion et d’un traitement particulier de la lumière et sont certainement les plus abouties. Dès ses premières productions, Maurice Novarina a fait appel à des artistes talentueux pour la réalisation de vitraux. La lumière est une composante majeure dans la conception architecturale de Maurice Novarina. Elle est travaillée comme la matière peut être sculptée. La recherche de la juste lumière selon l’espace à éclairer offre une variété contrastée de qualité lumineuse dans sa production. De la lumière diffuse, à la lumière dirigée en passant par des lumières colorées, les ambiances invitent à l’inspiration.
Ce travail de la lumière se retrouve également dans les projets de bâtiments
civils ou publics.
« A gauche, la lumière blanchie éclaire pour lire, la nature participe à l’Eglise. A droite, dans le choeur, un seul vitrail coloré : Mystère et symphonie des couleurs. »
Maurice Novarina, Notes pour une interview à la radiotélévision du Canada, 19 mars 1955, au sujet de l’église de Villeparisis.
glise Sainte-Bernadette, Annecy, Haute-Savoie, 1964-69.
Eglise Notre-Dame de la Paix, Etrembières, Haute-Savoie, 1967.
Eglise Notre-Dame du Rosaire, La Tronche, Isère, 1960. La lumière est structurée lorsque l’architecture tend vers l’épuration des formes. Des puits de lumière dirigent les rayons et des fentes vitrées filent entre les murs et la toiture afin de baigner l’intérieur d’une lumière homogène et diffuse. L’anti-matière est façonnée, les espaces qualifiés.
Hôtel de Ville, Grenoble, Isère, 1968. Les lanterneaux de l’espace d’accueil du public de l’Hôtel de Ville laissent largement pénétrer la lumière. Leurs formes triangulaires ainsi qu’un jeu de calepinage du coffrage leur confèrent un aspect végétalisé. La lumière semble traverser un feuillage artificiel avant de se diffuser.
Hôtel de Ville, Grenoble, Isère, 1968. Les lanterneaux de l’espace d’accueil du public de l’Hôtel de Ville laissent largement pénétrer la lumière. Leurs formes triangulaires ainsi qu’un jeu de calepinage du coffrage leur confèrent un aspect végétalisé. La lumière semble traverser un feuillage artificiel avant de se diffuser.
Eglise Notre-Dame du Léman, Vongy, Thonon-les-Bains, Haute-Savoie, 1933-35. L’évocation du lac est présente jusque dans le traitement de la lumière à l’intérieur.