ARCHITECTE DE LA RECONSTRUCTION
Dès 1944, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) affirme de nouvelles volontés quant à l’aménagement du territoire. La question de la pénurie du logement est capitale. Il faut rapidement bâtir et re-bâtir des quartiers complets. Pour cela, un architecte en chef est nommé dans chaque département français, afin de mener à bien ces travaux. Maurice Novarina devient architecte en chef dans le département de l’Eure et installe son agence à Pont-Audemer.
Etat des lieux en chiffres
En 1945, 4 millions de logements sont à reconstruire : 2 millions sont détruits et 2 millions manquent.
1 300 000 logements sont inhabitables dont 450 000 sont totalement détruits.
55 000 bâtiments publics sont détruits.
620 000 installations industrielles, commerciales ou professionnelles sont détruites.
Ces destructions représentent une valeur de 250 milliards de francs (valeur 1959).
Elles constituent 6 205 000 dossiers de sinistres.
Source : le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme fait état de ses chiffres dans une plaquette intitulée La Reconstruction française, bilan d’activité, 1945-1962.
Affiche Apportez votre cuivre vers 1946.
Contexte
LE MINISTÈRE DE LA RECONSTRUCTION ET DE L’URBANISME (MRU)
Le Gouvernement provisoire du général De Gaulle crée le MRU avec Raoul Dautry comme ministre. Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme se préoccupe d’une politique publique nationale de reconstruction des villes du pays, avec pour objectif principal : construire ou re-construire des habitations pour loger les Français. Une nouvelle forme de commandes urbaines et architecturales voit le jour : l’Etat est le principal maître d’ouvrage des projets de reconstruction.
Cette période est un temps où les architectes et urbanistes systématisent les solutions modernes : les aménagements concernent des parcelles autonomes. Le remembrement, outil de modification du foncier, permet de mettre en commun certaines parcelles afin de proposer du logement collectif, ce qui est à l’origine des grands ensembles de tours et de barres. L’Etat conseille aux associations syndicales de propriétaires de construire des co-propriétés. Poussés à prévoir de grands immeubles à forte densité, les propriétaires trouvent un compromis dans les petites co-propriétés ou l’habitat en bande, moins denses et plus proches de l’habitat individuel. A partir de 1950, encouragés par certaines législations, les locataires peuvent devenir propriétaires de leur logement. L’habitation individuelle, la maison ou l’appartement représentent un patrimoine nouveau et l’aspiration au bien-être de la famille.
LES ARCHITECTES EN CHEF
Tous les départements ne sont pas dévastés de la même façon. Les besoins sont différents, mais tous ont la commune intention de développer l’urbanisation, liée à l’exode rural et à l’industrialisation des villes. Les travaux engagés par les grandes villes vont donc être étudiés par un architecte en chef, nommé par l’Etat.
Qu’est ce qu’un architecte en chef de la Reconstruction ?
C’est avant tout un architecte diplômé de l’école des Beaux-arts de Paris. Il encadre et coordonne les projets d’architecture et de constructions, assisté de plusieurs architectes d’opérations. Son travail est contrôlé par l’Administration centrale qui communique certaines mesures à respecter (nombre de logements, hauteur des immeubles, matériaux à utiliser…).
Eugène Claudius-Petit (1907-1989)
Eugène Claudius-Petit succède à Raoul Dautry au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme en 1948 sous le gouvernement de Vincent Auriol. Il s’intéresse aux questions de rationalisation et de modernisation du logement, principes modernes et novateurs. Son Plan d’Aménagement National du territoire (PAN), en 1950, présente les objectifs et les moyens de construire les grands ensembles : le but est de multiplier par 5 le nombre de logements par an. Des moyens financiers sont mis en place avec le Fonds National d’Aménagement du Territoire (FNAT). Le MRU accepte cette planification. Elle s’adresse principalement aux villes générant une activité industrielle et ayant du mal à loger les travailleurs. Maire de Firminy à partir de 1953, il confie à Le Corbusier de nombreuses réalisations.Autour de Maurice Novarina
MAURICE NOVARINA, ARCHITECTE
EN CHEF DE LA RECONSTRUCTION
à Pont-Audemer
L’exemple de Maurice Novarina en Normandie est significatif : il est nommé en 1946, et quitte Thonon-les-Bains pour s’installer à Pont-Audemer, dans le département de l’Eure. A cette période, la région normande accueille des travailleurs de toute la France. Les besoins sont immenses : les matériaux de construction manquent, les usines sont dévastées et la main d’oeuvre locale ne suffit pas. L’activité de la nouvelle agence permet la rencontre avec de nombreux maîtres d’ouvrage et des entreprises avec qui l’architecte retravaillera plus tard.
à Annecy
En 1950, le MRU nomme également Maurice Novarina architecte en chef de la ville d’Annecy. Le Plan Novarina, à l’étude pendant 30 ans, paraît en 1968 et concerne principalement l’élargissement des voiries et le tracé de nouvelles avenues en direction de la future Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP) de Novel, au nord de la ville.
LES ÉQUIPEMENTS PUBLICS
Les bâtiments publics concernent 50% des commandes de l’agence. A Pont-Audemer, Maurice Novarina utilise des matériaux traditionnels, comme la pierre en parement de façade. Les toitures sont pentues, comme celle du Cinéma de Beuzeville qui reflète un caractère local malgré la sobriété moderne affirmée des façades. Les groupes scolaires de Pont-Audemer, Illeville-sur-Montfort et Beuzeville, construits entre 1954 et 1958, servent de modèles aux écoles haut-savoyardes que Maurice Novarina réalise plus tard : organisation sur un seul niveau ; orientation des grandes ouvertures vers le sud et la cour de récréation ; toiture à un pan.
Ecole d’Illeville-sur-Montfort, Eure, 1955.
Ecole de Beuzeville, Eure, 1955.
Ecole d’Illeville-sur-Montfort, Eure, 1955.
Maquette du Cinéma de Beuzeville, Eure, 1950.
Collège d’Evreux, Eure, 1951.
LES LOGEMENTS
HLM
Maurice Novarina conçoit des logements individuels d’Habitation à Loyer Modéré (HLM) à Brionne dans l’Eure, organisés en lotissement, tournés vers le sud et la vallée. Ces habitations sont destinées aux cadres des usines de tissage de la région. Les parements en pierre des carrières voisines donnent le ton régional. A Pont-Audemer, un immeuble HLM en « L » offre des appartements en duplex, séparés par des parois fines alignées sur la structure porteuse poteaux poutres. Les loggias prolongent le séjour vers le parc. Le Ministère de la Reconstruction, encore soucieux du traitement de chacun des dossiers de sinistre, mène d’abord des opérations ponctuelles, à petite échelle avant d’enclencher le processus de construction de masse. Les grands chantiers eux sortent de terre dès 1950, comme celui d’Evreux-la- Madeleine, qui se termine en 1962, et qui confirme une évolution dans la carrière de l’architecte. Son activité s’oriente clairement vers l’urbanisme et ses références deviennent plus internationales que régionales.
Pavillons d’Habitation à Loyer Modéré (HLM), Brionne, Eure, 1953.
Pavillons d’Habitation à Loyer Modéré (HLM), Brionne, Eure, 1953.
Immeuble Saint-Aignan, Pont-Audemer, Eure, 1952.
Immeuble Saint-Aignan, Pont-Audemer, Eure, 1952.
Ensemble d’Evreux-la-Madeleine, Eure, 1958-1962.
Ensemble d’Evreux-la-Madeleine, Eure, 1958-1962.
Ensemble d’Evreux-la-Madeleine, Eure, 1958-1962.
Ensemble d’Evreux-la-Madeleine, Eure, 1958-1962.
Immeuble HLM à Pont-Audemer, Eure, 1955.
Pavillons d’habitation, Pont-Audemer, Eure, 1950.
« Il importe que le pays comprenne bien que l’Urbanisme est une part essentielle de notre renaissance. Fondement premier de la restauration matérielle et morale, physique et spirituelle de nos villages et de nos villes, il doit répondre aux perspectives vastes que donne seul le souci de l’humain. »
Raoul Dautry (1945), ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme Cité dans Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme 1944-1954, Une Politique du logement, Plan Construction et Architecture, p13.