UN HÉRITAGE MODERNE

Le patrimoine bâti du XXe siècle bénéficie d’un intérêt grandissant depuis les années 1960. Bien que les constructions remarquables du siècle dernier fassent partie de l’Histoire de l’Architecture, elles sont peu protégées.

Contexte

VERS UNE RECONNAISSANCE
DE LA MODERNITÉ

Transmettre des architectures témoignant de la société du XXe, c’est se confronter à deux problèmes importants:

- La production de bâtiments a été considérable, nous avons plus construit en France au XXe que pendant les 19 siècles précédents. Comment discerner dans cette masse ce qui est réellement représentatif ? Quels sont les critères d’évaluation ? Comment considérer l’importance d’une production architecturale récente vis-à-vis des oeuvres héritées des siècles précédents ?

- Ce bâti est souvent encore utilisé et son intégrité architecturale demeure fragile et mérite une attention particulière. Les transformations, les mises aux normes, les changements de fonctions et les démolitions accélèrent le renouvellement des bâtiments et des quartiers. “ Patrimonialiser ” certaines architectures du XXe , nécessite un positionnement en terme de fonctions et d’usages de ces bâtiments et donc de développer des réflexions sur les modes de protections, de restaurations et de maintenances.

Progressivement, l’architecture du XXe siècle retient l’attention des pouvoirs publics. Dès 1964, la politique d’André Malraux encourage sa protection et enclenche le classement au titre des Monuments Historiques de 26 bâtiments, comme la villa Savoye de Le Corbusier. Il s’agit d’un engagement fort de soutien à la modernité plutôt que d’une réelle démarche patrimoniale.
Au cours des années 1980, sous l’impulsion du ministre de la culture Jack Lang, des actions thématiques de protection et de sensibilisation sont mises en place, comme la protection de boutiques parisiennes ou du patrimoine ferroviaire. Les Journées du Patrimoine sont créées en 1984 en France, avant d’être généralisées en Europe.
En 1987, près de 300 édifices postérieurs à 1900 sont classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Aujourd’hui, ils sont près de 1000 (soit 2,5% de l’ensemble des édifices protégés).
Depuis l’an 2000, une politique de valorisation du patrimoine bâti du XXe siècle permet l’identification des édifices remarquables et propose leur labellisation “ XXe ”.

Le patrimoine bâti

“ Lors de la création en France de la première Commission des monuments historiques, en 1837, les trois grandes catégories de monuments historiques étaient constituées par les restes de l’Antiquité, des édifices religieux du Moyen Age et quelques châteaux. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le nombre des biens inventoriés avait été multiplié par dix, mais leur nature n’avait guère changé. […]Depuis, toutes les formes de l’art de bâtir, savantes et populaires, urbaines et rurales, toutes les catégories d’édifices, publics et privés, somptuaires et utilitaires ont été annexées, sous des dénominations nouvelles : architecture mineure […], architecture vernaculaire […], architecture industrielle […].

Enfin, le domaine patrimonial n’est pas limité aux édifices individuels, il comprend désormais les ensembles bâtis et le tissu urbain : îlots et quartiers urbains, villages, villes […] comme le montre “ la liste ” du Patrimoine mondial établie par l’UNESCO. ”

Françoise Choay, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, 1993, page 10

UNE POLITIQUE DE PROTECTION


Label XX

Label XXe

A l’initiative du Ministère de la Culture, un plan d’intervention en faveur du patrimoine architectural et urbain du XXe siècle est lancé en 2000 sous forme d’un label. Des actions de sensibilisation du public sont menées et sur tout le territoire national, les édifices présentant un intérêt patrimonial sont repérés par les Directions Régionales des Affaires Culturelles. Le label peut être attribué à des ouvrages d’art, des édifices religieux, des ensembles de logements, des bâtiments administratifs… Chaque édifice labellisé reçoit une plaque “ XXe ” renseignant sur son concepteur et ses dates de construction. Il ne s’agit pas d’une protection mais d’un signalement.


Monument Historique

Monument historique

Un monument historique est un édifice dont la conservation présente, en partie ou dans sa totalité, un intérêt public, historique ou artistique. La première loi qui concerne les Monuments et Objets d’art date de 1887. En 1943, la sauvegarde s’étend aux abords du monument. L’immeuble est Classé ou Inscrit aux Monuments Historiques (la protection et les aides sont différentes) par le Ministre de la Culture après examen par différentes commissions spécialisées.

Autour de Maurice Novarina

L’ACADÉMIE
DES BEAUX-ARTS


Maurice Novarina est élu à l’Académie des Beaux-arts en 1979, au fauteuil d’Albert Laprade, architecte français, auteur entre autres du Palais de la Porte-Dorée à Paris. Créée en 1840, l’Académie d’Architecture a pour but de promouvoir la qualité de l’architecture et de l’aménagement de l’espace ainsi que l’encouragement à leur enseignement. Elle est composée de 100 membres actifs, de membres associés, de membres étrangers et de correspondants nationaux. Elu par ses pairs, l’académicien se voit honoré de la reconnaissance de son oeuvre.


« Vous êtes connu de tous, Monsieur, et c’est un plaisir personnel que je me fais en rapportant ici quelques phases de votre vie et de votre carrière. C’est un plaisir analogue à celui qu’on ressent lorsqu’on regarde dans les yeux un homme dont la loyauté n’est jamais surprise et dont la vérité a toujours conduit les pas. […] Vous êtes modeste, Monsieur, vous ne faites point précéder des fanfares de votre gloire, ni suivre, comme le conquérant antique, du cortège de vos victoires. Vous marchez d’un pas égal, de pair avec votre oeuvre, compagne naturelle de votre vie. […] Et je rends hommage à l’Architecte, parce que je ressens, je l’ai déjà dit, une grande estime et une grande amitié envers vos confrères, comme envers vous-même et parce qu’au delà de vos travaux, de vos réussites et de tous les honneurs qui les ont sanctionnés, vous prenez la juste place qui vous appartient en notre Académie. Monsieur, soyez le bienvenu, vous êtes ici chez vous.»

Discours de Tony Aubin, Président de l’Académie, 5 décembre 1979

Maurice Novarina, remise de l’épée d’académicien, 10 décembre 1980 à l’Académie d’Architecture.

Maurice Novarina, remise de l’épée d’académicien, 10 décembre 1980 à l’Académie d’Architecture.

Maurice Novarina, remise de l’épée d’académicien, 10 décembre 1980 à l’Académie d’Architecture.

Maurice Novarina, remise de l’épée d’académicien, 10 décembre 1980 à l’Académie d’Architecture.

DES BÂTIMENTS
PROTÉGÉS

Edifices de Maurice Novarina classés au titre des Monuments Historiques

- Eglise Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, Passy, Haute-Savoie, 1937-46 : Inscription du décor intérieur et extérieur en 1968 ; classement d’objets et mobiliers en 1983 et classement dans sa totalité par arrêté du 11 juin 2004.
- Eglise du Sacré-Coeur, Audincourt, Doubs, 1949-52 : Classement en avril 1996.

Edifices de Maurice Novarina inscrits aux Monuments Historiques

- Nouvelle Buvette Cachat “ Buvette Prouvé Novarina ”, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1956 avec J. Prouvé : Inscription en juin 1986
- Eglise Saint-André, Ezy-sur-Eure, Eure, 1956 : Inscription en décembre 2004.

Crypte de l’église Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, Passy, Haute-Savoie, 1939-46.

Crypte de l’église Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, Passy, Haute-Savoie, 1939-46.

Edifices de Maurice Novarina “ Label XXe ”

- Eglise Notre-Dame du Léman, Vongy, Thonon-les-Bains, Haute-Savoie, 1933-35 : mars 2003.
- Eglise Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, Passy, Haute-Savoie, 1937-46 : mars 2003.
- Eglise Notre-Dame de Toute Prudence, Bonneval-sur-Arc, Savoie, 1938-41 : mars 2003.
- Nouvelle Buvette Cachat, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1956 avec J. Prouvé : mars 2003.
- Villa Escoubès, Neuvecelle, Haute-Savoie, 1960 : mars 2003.
- ZUP de Novel, Annecy, Haute-Savoie, 1960-69 avec J. Lévy : mars 2003.
- Eglise Notre-Dame de Beligny, Villefranche-sur-Saône, Rhône, 1962 : mars 2003.
- Eglise Sainte-Bernadette, Annecy, Haute-Savoie, 1964-69 avec C. Fay : mars 2003.
- Cité La Sardagne, Cluses, Haute-Savoie 1965-70 avec P. Plottier : mars 2003.
- Village Olympique, Grenoble, Isère, 1968 avec Descottes-Guenon, A. Maillot et H. Bernard : mars 2003.
- Hôtel de Ville, Grenoble, Isère, 1968 avec J. Giovannoni, J. Christin, M. Welti, J. Prouvé, J.A Motte : mars 2003.
- Eglise Notre-Dame du Rosaire, La Tronche, Isère, 1969 avec J. Cholat : mars 2003.
- Cité de Vouilloux, Sallanches, Haute-Savoie, 1970-72 : mars 2003.
- Réservoirs d’eau, Alençon, Orne, 1964 avec S. Kétoff : avril 2007.

Résidence étudiante du Village Olympique, Grenoble, Isère, 1968.

Résidence étudiante du Village Olympique, Grenoble, Isère, 1968.

Terrasse de l’Hôtel de ville, Grenoble, Isère, 1968.

Terrasse de l’Hôtel de ville, Grenoble, Isère, 1968.

UN HÉRITAGE VU PAR
LES ARCHITECTES AUJOURD’HUI


Les équipements publics des années 1960 ont été intensivement utilisés et leur réhabilitation s’est peu à peu imposée, intégrant les changements d’usages, les adaptations, les évolutions techniques…

- La réhabilitation du théâtre de Pont-Audemer dans le département de l’Eure par les architectes Jakob&Macfarlane illustre un positionnement par rapport à ce type de patrimoine. La réflexion porte sur l’exploitation de l’existant en proposant “ un projet dans le projet ”. L’équipement conçu par Maurice Novarina dans les années 1960, tombé en désuétude, ne correspond plus aux usages. Le nouveau projet conserve la structure béton et la charpente métallique. L’ancienne façade est déposée. La nouvelle enveloppe de verre est détachée des poteaux augmentant ainsi la surface intérieure. Une grande perméabilité et lisibilité depuis la ville sont recherchées dans cette proposition.

- A l’échelle de la ville, et particulièrement autour des grands ensembles, de nouvelles réflexions tendent à pointer les dysfonctionnements en formulant une autre approche. Le rapport + Plus, rédigé par Anne Lacaton, Jean-Philippe Vassal et Frédéric Druot, architectes, propose une réflexion sur le devenir des grands ensembles, en préférant la transformation et la rénovation à la démolition, la réorganisation des habitations par le déplacement des cloisons et la création de nouveaux espaces comme des terrasses ou des loggias.
“ En fait, ce sont surtout ceux qui n’habitent pas ces quartiers et les édiles qui ont du mal à accepter la présence des barres, note Jean-Philippe Vassal. C’est curieux, car quand les barres se touchent, en ville, elles disparaissent, elles ne gênent plus. C’est quand elles sont visibles qu’elles posent problème ”. Pour eux, ces lieux sont porteurs d’” un potentiel de qualité ”, qui peut ”générer de la valeur ”.
Ils reconnaissent que les grands ensembles sont “en inadéquation parfaite avec le besoin actuel d’habiter ”, mais s’interrogent sur la légitimité des démolitions sans avoir cherché à en tirer le meilleur parti.
Les attentes des habitants sont avant tout de l’ordre social. Dans leur rapport, les architectes cherchent à démontrer que le problème de la forme bâtie réside peut être dans le manque de “ luxe ”.

“ Les grands ensembles sont aujourd’hui les seuls territoires capables de permettre la réalisation de logements d’une très grande générosité dans un cadre économiquement maîtrisé. Ils sont à ce titre des biens patrimoniaux capables de générer de la valeur ”.


Consacrer une exposition à la production de Maurice Novarina, une des figures de l’architecture moderne rhônalpine, c’est alimenter la réflexion en cours sur le patrimoine du XXe siècle et donner à voir des lieux, souvent quotidiens, parfois spectaculaires, méconnus ou controversés. Partie prenante d’une internationalisation croissante, les nombreuses réalisations de l’architecte, éparses sur le territoire, questionnent sur l’existence d’un style Novarina. Reste-t-il régional ? Comment abandonne-t-il l’académisme de sa formation pour une modernité prudente ? Est-il simplement rationaliste ? Sa singularité tient-elle à quelques éléments intangibles comme la mise en oeuvre du béton armé, l’emploi du bois ou l’implantation ? Quel est son apport dans le débat sur la ville et l’architecture ? Comment accède-t-il à la commande ?... Les archives départementales de la Haute-Savoie doivent prochainement procéder à l’inventaire et au dépouillement du fond d’archives de Maurice Novarina. Un travail important de réflexion reste à mener pour mieux comprendre et positionner un parcours fascinant par sa longévité : 50 ans de vie professionnelle !

Buvette Prouvé-Novarina, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1956.

Buvette Prouvé-Novarina, Evian-les-Bains, Haute-Savoie, 1956.