LE TRAVAIL D’AGENCE
La carrière de Maurice Novarina débute dans sa région natale, la Haute-Savoie, pour se poursuivre à Paris, en passant par Pont-Audemer dans l’Eure. La pratique de son activité se partagera principalement entre Paris et Thonon-les-Bains. Patron à l’écoute, Maurice Novarina suit tous les projets et instaure une ambiance de travail sérieuse basée sur la confiance réciproque avec ses nombreux salariés. Tantôt architecte mandataire, tantôt architecte d’opération dans les différents projets d’urbanisme, Maurice Novarina s’entoure des meilleurs pour mener des projets d’envergure.
Contexte
LE FONCTIONNEMENT
D’UNE AGENCE
D’ARCHITECTURE
Indépendant, l’architecte pratique une activité libérale, reconnue comme telle depuis le XIXe siècle. Son rôle en tant que maître d’oeuvre est déterminant dans le processus de projet puisqu’il crée le lien entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur. Les missions de l’architecte résident principalement dans la conception d’un édifice (plans et descriptifs), la direction et le suivi des travaux ainsi que leur vérification. Ses missions étant complexes et nombreuses, l’architecte constitue autour de lui une équipe de salariés ou associés. Une hiérarchie, certainement héritée de la formation reçue aux Beaux-arts, marque profondément le fonctionnement de l’agence. L’équipe se compose du patron, du chef d’agence, d’architectes-dessinateurs, de “ grouillots ”, d’inspecteurs des travaux et bien sûr d’un secrétariat et d’une comptabilité. Le terme de patron est couramment attribué à l’architecte à la tête d’un atelier à l’Ecole des Beaux-arts. La hiérarchie instaurée entre les différents élèves et professeurs de l’école marque les esprits et établit une sorte de convenance. Le patron suit de près tous les projets. Il est responsable de la conformité architecturale. Le chef d’agence coordonne les différents intervenants sur un même projet. Il est chargé de l’organisation et du bon fonctionnement économique du cabinet d’architecture. L’architecte-dessinateur est l’exécutant des idées directrices du projet. Les échanges d’idées avec le patron sont nombreux. L’inspecteur des travaux est chargé du suivi des chantiers.
UN SYSTÈME
HIÉRARCHIQUE
Mis en place lors de la Reconstruction, le système hiérarchique dans la distribution des plans de grands ensembles est très important et bien établi. Le rôle de chacun est prédéfini afin d’assurer le bon fonctionnement du processus de projet. Ce fonctionnement est modifié profondément avec la mise en place des concours pour les bâtiments publics. Néanmoins, le rapport entre l’architecte mandataire et l’architecte d’opération maintient un système de répartition des rôles et des responsabilités. L’architecte mandataire signe le marché avec le maître d’ouvrage. Il est responsable de la conception et du bon déroulement de l’opération. Il oriente et coordonne son équipe de travail. L’architecte d’opération suit les directives de l’architecte mandataire et lui rend des comptes. Il est chargé de conduire les différentes étapes du projet, jusqu’au suivi de chantier.
Agence parisienne de Maurice Novarina aux balcons du 9 square Pétrarque, Paris, 16e arr., 1982.
Couvertures de revues. Le travail des architectes est médiatisé notamment par les publications des trois principales revues françaises spécialisées en architecture. Tout au long de la carrière de Maurice Novarina, de nombreux articles sont consacrés à ses réalisations.
“ Un grouillot n’est pas un dessinateur ni un dessineux. […] En fait, le grouillot est un peu le domestique qui passe la gosse puis la balayette pour évacuer les chiures de gomme, qui passe les instruments de dessin au responsable du projet d’Ecole ou à l’architecte installé. ”
Définition d’après Charette au cul les nouvôs !
Autour de Maurice Novarina
ENTRE PARIS ET
THONON-LES-BAINS
Maurice Novarina à sa table à dessin, vers 1995.
Les architectes d’opération
De façon récurrente, Maurice Novarina s’associe à des architectes locaux pour mener à bien ses projets : des architectes d’opération. A Annecy, par exemple, Maurice Novarina est architecte mandataire de la ZUP de Novel (1961-1975). Il établit le plan masse et conçoit les bâtiments de la MJC et du centre commercial. Jacques Lévy est alors architecte d’opération. Il est chargé de réaliser des immeubles de logements. Paul Jacquet, Claude Fay, Georges Brière, André Gouaux, Robert Cottard, architectes annéciens, ont également participé au projet.
Ils ont travaillé…
avec Maurice Novarina dans les agences de Thonon-les-Bains, Pont-Audemer, Paris :
M.T Abidi, M. Arguillère, I. Azarpey,
F. Baudoin, J.M. Bernadac, M. Bieda,
J. Bonabaud, J. Bourgeois, P. Buathier,
A. Boussedid, M. Brugger, M. Brusetti,
M. Cendrier, M.F Chevalier, J. Christin,
C. Collet, P. Combet, G. Connéna,
G. Dagnaux, E. Deborova, M. De Guellebon,
T. Despond, Y. Donin, G. Dragaud, F. Drocourt,
P. Dutruel, G. Fiammingo, R. Forest,
M. François, R. Gallay, A. Garnier,
J. Giovannoni, E. Granjux, J. Hemeury,
M. Hennequin, F. L’Hostis, J.C L’Hostis,
Mme Kaminsky, M. Kosy, M. Laval,
P. Largois, C. Lavanchy, M. Lebeuf,
A. Lebreton, P. Le Garlantezec, J. Léger,
M. Lelièvre, G. Lestchenko, J. Lévy,
R. Limare, A. Maillot, J.P Maillot,
M. Manteau, Z. Marjanovic, M. Masereau,
M. Meline, P. Merveille, M. Moisy, G. Morand,
M. Nisin, P. Novarina, C. Novarina, J.J Ory,
H. Parmentier, J. Peracino, J. Posty,
M.T Proust, M. Rebois, H. Renaud,
C. Richard, M. Rousselet, J. Sainte-Croix,
H. Santimaria, M.L Soufron, J.M Thépenier,
M. Togay, M. Trotignon, A. Vial,
E. Vulliez-Sermet, M. Vassilev, S.Yuji.
Et lors de collaborations
ponctuelles :
H. Besson, P. Blondeau, G. Brière, J. Cholat,
R. Cottard, M. Decock, M. Descotte-Guénon,
C. Fay, A. Gouaux, F. Grimal, P. Jacquet,
L. Lacroix, J. Lavaud, G. Le Garlantezec,
J.M Legrand, C. Maisonhaute, M. Malo,
M. Mugnier, P. Plottier, A. Richard, J.Rabinel,
G. Salomon, H. Salvado, M. Sautier,
H. Villard, M. Welti…
Patrice Novarina (1944)
architecte
Fils aîné de Maurice et Manon Novarina, Patrice est très tôt intéressé par le design et la peinture. Il choisit finalement de suivre des études d’architecture. Il obtient son diplôme d’architecte en 1971 à l’Ecole Supérieure des Beauxarts de Paris. Il fait ses preuves à l’agence de Maurice Novarina en même temps qu’il étudie, puis travaille en tant qu’architecte indépendant, tout en restant plusieurs années dans les locaux de l’agence de son père.
” Il est ordinairement plus répandu de voler de ses propres ailes lorsqu’il faut se faire un petit prénom. “
“ Meneur d’hommes avisé, mon père savait, me semble-t-il, se faire plus aimer et respecter que craindre des collaborateurs dont il avait perçu le talent et la valeur pour mener à bon terme les projets. Il passait sur toutes les planches accordant autant d’importance aux détails de mise en oeuvre qu’aux choix conceptuels, voire même parfois plus ! Cette exigence de bien construire me semble être une dimension très particulière de son oeuvre. ”
Repères
1945 : Maurice Novarina travaille à Thonon-les-Bains, place des Arts.
1948 : Nommé architecte en chef de la Reconstruction dans le département de l’Eure, il installe son agence à Pont-Audemer avec 5 à 6 salariés.
1949 : Lors de la construction de sa maison au bord du lac Léman, à Thonon-les-Bains, un lieu est réservé à son activité en Haute-Savoie. Il a 6 salariés.
1957-58 : Quittant sa fonction d’architecte de la Reconstruction, il ferme son agence à Pont-Audemer pour l’installer à Paris, rue Raynouard (16ème), il dirige 4 architectes, 3 dessinateurs et 2 chefs travaux.
1965 : Il entreprend de construire en face de sa maison de Thonon-les-Bains un bâtiment destiné à accueillir son agence.
1968 : Il enseigne à l’atelier Marot à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts. Certains de ses élèves le rejoignent dans son agence.
1970 : Les affaires vont bien et le personnel augmente. Les locaux parisiens deviennent exigus. L’agence est transférée successivement dans deux immeubles. Il y aura jusqu’à 80 salariés entre l’agence de Thonon-les-Bains et de Paris dans les années 1970.
1990 : L’antenne parisienne ferme définitivement ses portes et Maurice Novarina prend sa retraite officielle en 1995. L’agence de Thonon-les-Bains maintient son activité avec Jean-Michel Thépenier, chef d’agence.
L’activité de Maurice Novarina se partage toujours entre Thonon-les- Bains et Paris. Il gère avec ses chefs d’agence, parallèlement, deux cabinets durant toute sa carrière. En tant que patron, Maurice Novarina suit tous les projets en cours en passant auprès de chacun, un peu comme auprès de ses élèves à l’Ecole des Beaux-arts. Il est à l’écoute des propositions mais donne les idées directrices de conception. Le suivi de la construction est confié à l’inspecteur des travaux. Maurice Novarina se rend sur le chantier lorsque des modifications importantes doivent être apportées.
Agence, Thonon-les-Bains, Haute-Savoie, 1949. Vue intérieure de l’agence de Maurice Novarina dans sa villa.
L’agence prend place dans un bâtiment construit en face de la villa.
Vue intérieure de la salle de travail occupée par les nombreuses tables à dessins.
Immeuble Rue Raynouard, Paris, 16e arr., 1959. Plan de l’agence publié dans la revue L’Architecture Française n°201-202 en 1959.
Jacques Christin (1928)
architecte
Jacques Christin débute comme grouillot à l’agence de Maurice Novarina, place des Arts à Thonon-les-Bains en 1945. Il part ensuite à Pont-Audemer en 1948, initialement pour remplacer un dessinateur “ pendant 6 mois, finalement ce sera pour 10 ans ! “. Il ouvre l’agence de Paris en 1957. Spécialiste des montages financiers et des négociations de contrat, chef d’agence entre 1952 et 1995, il suivra Maurice Novarina, pendant 50 ans.
“ J’ai commencé avec Maurice Novarina et j’ai fini avec lui, on a travaillé ensemble pendant plus de 50 ans. J’étais un peu l’homme de l’ombre… une mémoire vive de l’agence. Avec le temps, j’en avais fait un peu mon agence, le boulot était intéressant, on était toujours en vadrouille… Il fallait toujours que je lui parle. De toute façon il faisait répéter dix fois la même chose car il aimait être au courant de tout. ”
Gilles Dagnaux (1936)
architecte
Formé à l’Ecole Spéciale d’Architecture (ESA) à Paris, Gilles Dagnaux en sort diplômé en 1962. Maurice Novarina l’invite à rejoindre l’équipe de l’agence de Haute-Savoie à partir de 1965, après avoir passé 3 mois au sein de l’équipe parisienne. A Thonon-les-Bains, il participe à l’élaboration du plan masse de la Rénovation avec Patrice Novarina, suit les projets du couvent de la Visitation et de la chapelle de l’Hôpital entre autres. Sa collaboration avec Maurice Novarina durera 13 ans.
“ Maurice Novarina discutait avec nous des projets, avec finesse et persuasion. Les bâtiments devaient faire transparaître ce qu’il y avait derrière, tout ce qui était accessoire, la forme pour la forme, il n’aimait pas. ”
Willem Den Hengst (1940)
architecte-paysagiste
En 1964, au cours de l’exposition pour la ville de Lausanne, Maurice Novarina remarque et apprécie le travail de l’agence Neukomm de Zurich. Maurice Novarina contacte l’agence pour une collaboration sur le projet du centre nautique d’Evian. La bonne entente entre les deux hommes les amène à collaborer plus fréquemment. Willem Den Hengst est embauché par Maurice Novarina à l’agence de Paris en 1969. Plus tard, il regagne l’équipe de Thonon-les-Bains le temps de quelques projets, puis se met rapidement à son compte.
“ Avec Maurice Novarina, la collaboration était parfaite. Il y avait une grande confiance réciproque. Maurice Novarina était très ouvert et disponible. Il savait très bien s’entourer et également déléguer. […] Du fait qu’il soit à l’agence de Paris, il ne venait à Thonon que tous les quinze jours. Cette fréquence des rencontres limitait les modifications importantes des projets… alors on peut dire qu’une grande liberté de conception était laissée aux chefs de projet. ”
Jacques Lévy (1931)
architecte-urbaniste
Architecte diplômé par le gouvernement, il étudie à l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris. En 1960, de retour du service militaire, Jacques Lévy rejoint l’équipe de l’agence de Maurice Novarina à Thonon-les-Bains. Il participe à l’étude du plan masse de la Z.U.P de Novel et, dès 1963, du Centre culturel de Bonlieu à Annecy. Puis entre 1971 et 1975, il collabore avec Maurice Novarina au projet du quartier Champ Fleuri à Seynod. En 1994, il crée son agence Tectum architectes et urbanistes établie à Paris et à Annecy.
“ Je crois vraiment que mon premier travail à Annecy a orienté toute mon activité d’architecte. Au lendemain de ma démobilisation, j’ai passé trois semaines ici pour établir le plan masse de Novel que j’avais commencé à travailler pendant mon service… profitant de mes permissions… ”
Albert Lebreton (1937)
architecte-urbaniste
Il étudie l’architecture à l’école régionale des Beaux-arts de Grenoble avant de poursuivre ses études à Paris. Il obtient son diplôme d’architecte en 1960. Originaire du Chablais en Haute-Savoie, il travaille dès l’âge de 17 ans durant les mois d’été à l’agence de Maurice Novarina à Thonon-les-Bains. Il entre à l’agence parisienne au cours de ses études. Il collabore de 1961 à 1966 avec Jacques Lévy pour des projets de Maurice Novarina comme la ZUP de Novel à Annecy. Puis il rejoint l’agence thononaise avec Gilles Dagnaux et Michel Brugger, chef d’agence, et y reste pendant une vingtaine d’années avant de monter son propre cabinet.
“ Maurice Novarina cherchait toujours à briser le carcan des règles et les normes imposées au bénéfice d’un programme cohérent et du confort des usagers. ”
Jean-Michel Thépenier (1952)
architecte
Architecte diplômé en 1979, Jean-Michel Thépenier a étudié à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, au sein de l’atelier Marot, avec qui Maurice Novarina enseigne. Maurice Novarina est le tuteur du jeune étudiant et lui propose de travailler à son agence dès 1972. Il rejoint l’agence de Thonon-les-Bains en tant que chef d’agence en 1982 et s’associe en 1988.
“ J’ai travaillé dans son agence le premier été de mes études. Il était mon tuteur à l’école. C’était une relation très sympathique car il nous prenait sous son aile. On discutait des projets avec lui, il nous corrigeait. Finalement, j’ai passé mon diplôme chez lui.” […] A Paris, il passait tous les jours sur les tables. Il avait une manie, il commençait à passer vers midi, donc on mangeait très tard… surtout que j’étais au 4ème étage ! Il nous passait un coup de fil “ vous m’attendez… hein ? ” […] Quand j’ai fait le Club Méditerranée, j’avais 28 ans. L’avantage c’est que j’ai été baigné tout de suite dans des gros projets. J’ai eu mon diplôme en décembre 1979 ; début 1980 je faisais un permis de construire pour 150 logements à Seynod… ”